Dans les écoles

Action culturelle : le fait divers

au lycée François Villon

Cette année, les élèves de Seconde de Mme Metzinger – professeure de lettres au lycée François Villon – abordent la question de la tragédie au travers d’un fait divers contemporain : l’incroyable cavale de Colton Harris-Moore. Ils sont accompagnés dans ce projet par Julien Bleitrach, auteur et comédien de la pièce Le garçon qui volait des avions.

 

 

Colton Harris-Moore

 

Mardi 9 octobre 2018 

 

Les élèves rencontrent Julien Bleitrach (Cie L’Autre Monde) qui sera l’intervenant principal de ce projet autour du spectacle Le garçon qui volait des avions. La majorité d’entre eux connait déjà le roman, et l’extraordinaire histoire d’un jeune ado solitaire. Mais c’est le premier atelier théâtre pour la quasi-totalité des élèves, alors après de brèves présentations, on entre dans le vif du sujet !

 

La salle de classe devient scène théâtrale pour deux heures. Les lycéens commencent par des exercices par petits groupes.

Sur scène, trois situations se succèdent : un ours pénètre une forêt de loups, un étranger débarque dans un village de cow-boys, un vieillard cherche à s’asseoir dans le métro. Dans chaque cas, les élèves doivent apprendre à placer leur corps, leurs mains, rester à l’écoute des partenaires, soutenir un regard et porter sa voix.

 

« Je parle fort mais je ne suis pas ridicule ! »

L’objectif de ce premier atelier est de désamorcer les craintes, la peur d’être jugé. « Pendant ces ateliers, on ne veut que de la bienveillance » rappelle Julien, « personne ne va se tromper, alors personne ne va critiquer les autres ».

 

Dans un second temps, Julien leur propose d’expliquer des tragédies classiques avec leurs propres mots :

« Ô tombeau, ô chambre nuptiale, souterraine, Demeure qui se referme pour toujours » - « Antigone sait qu’elle va mourir »

« Ah ! quel qu’il fût, maudit soit l’homme qui, sur l’herbe d’un pâturage, me prit par ma cruelle entrave, me sauva de la mort, me rendit à la vie ! » - « Œdipe a été sauvé par un passant, et il lui en veut »

 

En effet, le but de ce projet est de s’approprier les thèmes de la tragédie classique en les rendant accessibles et contemporains. C’est pourquoi le travail s’articule autour de la pièce Le garçon qui volait des avions : l’histoire d’un jeune, touché par la fatalité (une mère alcoolique, la tentative de meurtre de son père), et qui va chercher à s’arracher de ce destin funeste, en fuyant d’une manière héroïque, le vol d’un avion.

La sonnerie retentit et nous fait rebasculer dans le monde réel : c’est l’heure de la cantine, il est temps pour les lycéens de s’enfuir…

 

 

 

Mardi 6 novembre 2018

 

Aujourd’hui, rendez-vous dans l’amphithéâtre du lycée, qui accueillera la suite de nos ateliers et la restitution finale.

 

La séance commence par des exercices d’échauffement de la voix et du corps, pour retrouver l’énergie après les vacances…

Tous en scène, les activités s’enchaînent : « vous marchez dans 3 mètres de neige, maintenant vos jambes sont en caoutchouc… ». Nous sommes des samouraïs, nous échangeons nos prénoms ou des « vagues » d’énergie qui circulent entre nous.

 

« Tous ceux qui préfèrent les pizzas vont à cour, les tartes vont à jardin ! »

« C’est où les pizzas ? » - « Ben elle est là la cour !»

Alors justement non, le côté cour sur cette scène est justement à l’opposé de la cour du lycée !

 

« Ces deux termes sont des conventions » explique Julien, « parce que pour un metteur en scène, ce serait perdre du temps d’expliquer à droite, à gauche, selon quel point de vue… Donc à partir de maintenant, nous utiliserons tous ces termes : les pizzas à cour, les tartes à jardin ».

 

Tout d’un coup, il y a beaucoup plus de monde côté cour…

 

 

Puis il est temps de travailler sur les faits divers choisis par chacun. Deux groupes montent tour à tour sur scène. Chacun assis sur une chaise, les élèves doivent – avec la posture et le timbre nécessaire – raconter un fait divers, en moins de 45 secondes. Parfois, les autres comédiens réagissent, en chœur, tandis que d’autres fois un seul autre comédien joue l’histoire qui est en train de se dire.

 

Pour le dernier groupe, l’exercice est encore plus difficile : tous les comédiens doivent raconter leur fait divers en même temps. Le but est de se faire entendre des spectateurs, en y mettant la conviction nécessaire : c’est mon histoire que vous devez écouter !

 

Au cours de ce deuxième atelier, les élèves se sont lâchés. Ils prennent plus d’espace sur scène, leurs voix portent plus loin… En espérant que leur venue le mois prochain lors d’une représentation leur donnera encore plus de motivation !  

 

 

Mardi 15 janvier 2019 

 

La reprise n’est pas facile pour tout le monde en ce début d’année… Les élèves émergent à peine de leur repos hivernal, et Julien tient à les motiver afin de donner le meilleur d’eux-mêmes pour reprendre le projet « Faits divers ».

 

La séance débute par un bref échauffement des corps : on se passe des boules colorées, des émotions, on se lance des sabres…

 

« Si vous n’avez pas un corps dynamique, personne n’y croira… Alors il faut ajouter de la tension dans votre manière de vous tenir, il faut que vous sachiez pourquoi vous vous déplacez, et vers où exactement ».

 

Puis nous retravaillons une scène vue lors de l’atelier précédent : le rideau s’ouvre, trop tôt, sur cinq comédiens, qui doivent alors trouver leur position de début de représentation.

Les premières tensions s’installent, dans les regards d’abord : « Fais lui comprendre que tu lui en veux de l’avoir ouvert trop tôt ».

Ensuite vient le texte. Timidement, deux comédiens se disputent l’honneur de débuter, bafouillent, s’excusent… Les rires fusent dans le public. Et on passe à la scène suivante.

 

Cette fois, cinq comédiens posent leur voix sur un texte qui traite des faits divers, de l’attirance qu’ils exercent sur nous. Tour à tour ou en chœur, ils évoquent cette fascination, Roland Barthes, et la place de « parent pauvre » de la pratique journalistique.

Ils enregistrent ensuite ces interventions grâce au petit studio portable, composé d’un simple micro relié à l’ordinateur. C’est la première fois qu’ils entendent leur voix, mais déjà le rendu semble réussi à l’écoute. Ils ont pris le temps de poser leur voix, de respirer… Comme si la pression de la « scène » avait disparu.

Mais pour un résultat « parfait », Julien propose de prendre le temps de réenregistrer ces passages lors de la prochaine séance.

 

Enfin, six autres élèves montent sur scène, cette fois pour interpréter le fait divers qu’ils ont choisi par des mimes. Ils en retiennent les termes essentiels et les miment, tous ensemble :

- Un enfant oublié dans une voiture lors d’un carnaval

- Un homme qui s’est fait passer pour un médecin auprès de toute sa famille pendant des années

- Un braconnier condamné à visionner Bambi pour avoir tué des cerfs

- Un chauffeur de bus qui a trouvé 16000€ dans un bus

 

L’atelier se termine sur cette image de collectif. A la prochaine séance, les élèves devront se concentrer sur leur voix et sur l’énergie qu’ils dégagent, sans négliger le plaisir de jouer, pour être entendu et compris de tous.

 

 

Lundi 19 mars 2019

 

Énergie et enthousiasme. C’est ce que transmettent Julien et Titouan pour cette quatrième séance dédiée au projet « Faits divers ». Pour réveiller tout le monde, quelques tours de piste au soleil et en musique s’imposent.

 

C’est ensuite dans l’amphithéâtre du lycée qu’il faut aller s’échauffer. Les jeunes comédiens se séparent et se confrontent pour apprendre à ressentir leurs corps, pour prendre conscience de leurs mouvements et de la portée de leurs voix.

 

 « Vous êtes les meilleurs pizzaiolos du monde. Vous êtes dans la meilleure pizzeria. Votre spécialité c’est de faire voler votre pâte sans jamais la retourner ni la faire tomber ».

 

Le corps devient pour chacun, un outil d’expression. Dessiner sa signature avec une partie de son corps comme mine de crayon devient un moyen de se découvrir. On comprend son corps et on se sert de lui pour que se dégagent des émotions.

 

Se remettre dans le bain du jeu est un challenge. Un premier rappel de la composition des groupes de travail remet les choses en place. Les élèves se remémorent peu à peu le dernier atelier. L’objectif de cette séance : explorer et développer les manières de raconter un fait divers.

 

Dans un premier groupe on illustre des faits divers avec le corps, on recrée des tableaux mouvants. Le corps devient support pour créer des images à partir d’une histoire.

 

Le second groupe se transforme en comité de rédaction, l’argumentation et le jeu sont au cœur des échanges : « Vous ne croirez jamais le scoop que j’ai découvert ! », « C’est mon fait divers que vous devez publier en première page ! », « Vous n’avez jamais rien entendu d’aussi insolite ! ».

 

Dans le troisième groupe, la place est au mime pour faire deviner aux autres comédiens le contenu de leur fait divers. La subtilité des récits évolue au fur et à mesure que les comédiens s’exercent.

 

Enfin, une lecture d’un extrait d’Horace de Corneille leur fait poser leurs voix sur les personnages d’Horace et Curiace. On travaille sur la tragédie, l’interprétation, l’énergie et l’émotion de l’intention. De ce côté-là, il faudra encore de l’entraînement à nos comédiens pour devenir convaincant.

 

Après deux heures d’atelier, des tentatives timides commencent à émerger et les contours d’une représentation finale se dessinent.

 

 

16 avril 2019 :

 

Aujourd’hui toute la classe est réunie pour travailler sur la restitution finale. On commence par un échauffement des voix et des corps. Une belle énergie et de la motivation se dégage du groupe.

 

Les élèves ont choisi leurs faits divers, ils les connaissent et doivent maintenant les jouer.

 

De la recherche d’une histoire, à son écriture en passant par la mise en voix et l’interprétation devant un public, le travail autour des faits divers leur fait découvrir le processus de création artistique. Petit à petit, la timidité disparaît.

 

A travers différents exercices, la restitution finale du projet prend forme.

 

 

21 mai 2019 :

 

Les élèves retrouvent aujourd’hui Julien et Titouan pour mettre en place les éléments de la restitution finale du projet mené avec eux depuis le mois d’octobre.

 

Plus à l’aise dans leur salle de classe que dans l’amphithéâtre du lycée, les jeunes comédiens investissent le lieu et lui donne rapidement la forme d’un plateau. Les groupes formés pendant les précédents ateliers se reforment et répètent.

 

Maintenant que les élèves maîtrisent les textes Julien les pousse à s’amuser, à travailler la matière théâtrale, à lui donner vie. Une liste de mots clés qui composent leurs différents faits divers vient enrichir leurs propositions.

 

Par des jeux de dialogue et de « ping-pong » les jeunes comédiens travaillent leur spontanéité, leur naturel et leur capacité à improviser.

 

Julien et Titouan quittent les élèves pour les retrouver le vendredi 7 juin pour une dernière répétition et une présentation du projet devant une classe de l’établissement.

 

 

07 juin 2019 : la restitution

 

Les vacances approchent pour les élèves présents aujourd’hui pour la dernière rencontre de l’année. Devant une classe de quatrième, les lycéens vont présenter le fruit de leur travail.

 

Après un début de présentation un peu timide, les jeunes comédiens prennent place sur le plateau pour présenter le résultat des ateliers. On échange, on discute et on explique le processus de création à la classe de quatrième venue découvrir le projet.

 

D’abord en action, les jeunes comédiens deviennent metteurs en scène et par petits groupes, dirigent les quatrièmes curieux et amusés de découvrir le processus et les étapes de création d’une pièce de théâtre.

 

Des jeux de théâtre finissent de briser la glace et terminent en beauté cette expérience théâtrale riche en surprises et en émotions.

 

 

 

Rédaction : Julie Geffrin, Juline Rossier

Enseignantes :

Eleonore Metzinger (lettres)

Sabine Clabecq (documentaliste)

 

Intervenants  : 

Julien Bleitrach

Titouan Le Bourvellec 

 

Coordination :

Julie Geffrin

 

 

Dans le cadre d'un projet de Classe à PAC

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