Rencontres

ADOS ET SPECTACLE VIVANT : CRÉER POUR / AVEC

Une journée d'échange organisée par le réseau La Vie Devant Soi

Le Réseau coopératif de production Jeune Public en Ile-de-France, constitué en 2012, devient en 2018 La Vie Devant Soi : un réseau coopératif de production de spectacle vivant et de réflexion autour des publics adolescents.

 

La Vie Devant Soi, c'est... 

- Un réseau coopératif de production : chaque année est organisé un appel à projets dans le but de soutenir trois spectacles à destination du public adolescent. 

- Un réseau d'échanges et de réflexion : l'association a pour but d'organiser des temps d'échanges entre professionnels et non-professionnels du spectacle vivant, afin d'aborder les enjeux constitutifs de cet âge auquel on a "la vie devant soi"

 

 Les structures de diffusion professionnelle membres du réseau coopératif de production sont les suivantes : Festival Théâtral du Val d’Oise ; Ferme de Bel Ebat, Guyancourt ; Le Hublot, Colombes ; Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette, Paris ; Théâtre Antoine Vitez, Ivry ; Théâtre à Châtillon ; Théâtre de Chevilly-Larue ; Théâtre Dunois, Paris ; Théâtre Jean Vilar, Vitry s/ Seine ; Théâtre Paris-Villette ; Théâtre Paul Eluard, Choisy Le Roi.

 

 

JOURNÉE DE RENCONTRE ET D’ÉCHANGES DU 21 NOVEMBRE 2018 :

 

Cette journée était divisée en deux temps d’échanges : une table ronde en matinée, où des professionnels du spectacle vivant partageaient leurs expériences menées avec ou pour des adolescents ; un temps de réflexion collective en après-midi au cours duquel les adolescents d’une part et les « adultes » d’autre part s’interrogeaient sur les attentes présupposées des ados quant aux spectacles vivant. La journée s’est terminée sur une confrontation de ces deux points de vue.

 

 

ENTENDU AUTOUR DE LA TABLE RONDE :

 

Existe-t-il des thèmes spécifiques pour les adolescents ?

 

Jalie Barcilon (autrice et metteuse en scène de Tigrane, spectacle lauréat de l’appel à projet 2018-2019) : « ce que j’entends aujourd’hui, lors de mes ateliers auprès des jeunes, et qui est nouveau, c’est la peur de l’avenir ».

 

Didier Ruiz (metteur en scène, projet Youth) : « Qui suis-je pour dire ce qui intéresse les ados ? Personnellement, je ne peux pas monter une pièce pour adolescents si le texte ne m’intéresse pas moi, avant tout. Je pense qu’il faut leur parler comme à des adultes, et leur faire confiance ».

 

Stéphane Gornikowski (auteur du spectacle Pourquoi les riches, spectacle lauréat de l’appel à projet 2017-2018) : « Un ado prend 20 cm en six mois, et passe du métal au rap en 3 mois. Donc une « passion adolescente » je n’y crois pas… En revanche, il est important de prendre en compte leurs références. Par exemple, pour évoquer les inégalités sociales – notamment auprès de collégiens, l’étape de la scolarité où elles se creusent – il faut parler de Ronaldo et ses fraudes fiscales…».

 

Sylvain Levey (auteur de Michelle, doit-on t’en vouloir d’avoir pris un selfie à Auschwitz ?, spectacle lauréat de l’appel à projet 2017-2018) : « Quand je dis « adolescents » j’ai l’impression d’entendre les politiques qui disent « les Français » : ça masque la diversité. On peut tout raconter aux adolescents, mais il faut être juste. Ils aiment la radicalité, pas la tiédeur ».

 

Sabrina Benhamouche (Citoyenneté jeunesse) : « Tout est visible par les adolescents, il suffit de les y préparer. C’est un acte fort de venir au théâtre, donc il faut leur faire connaitre les codes. Je pense notamment à une jeune fille, à la fin d’un spectacle, qui m’a demandé « pourquoi on applaudit ? » ».

 

Comment accompagner les adolescents ?

 

Claude (enseignante de lettres) : « Un long travail de préparation est nécessaire. D’abord pour se détendre, ensuite pour stimuler l’imaginaire ».

 

Sylvain Levey : « Il faut faire très attention aux mots, et leur redonner du sens. Nous sommes en tant qu’artistes des déclencheurs : on remet tout en cause, on est chiants. Donc il est important de ne pas trafiquer notre travail, pour soi-disant se mettre à leur portée ».

 

Didier Ruiz : « De toute façon, on ne peut pas se mettre à leur portée, on n’est plus des adolescents. Je travaille avec les adolescents comme je travaille avec tous les autres, ados, adultes ou enfants… ».

 

Stéphane Gornikowski : « Parfois, il me semble que je n’ai pas le temps de discuter avec les chargé.e.s de relations publiques des structures, justement pour anticiper la préparation ».

 

Sylvain Levey : « Ce qui est incroyable c’est qu’on demande à des adolescents un travail que n’importe quel comédien refuserait : 10h de répétition dans un couloir, pour ensuite se retrouver sur un plateau ? ».

 

Nelly Le Grevellec (présidente du réseau La Vie Devant Soi) : « On parle ici essentiellement de quelques jeunes qui ont la chance d’être accompagnés. Mais il ne faut pas oublier que ça ne concerne qu’une minorité d’adolescents… ».

 

Sabrina Benhamouche : « Effectivement… Dans une classe il y aura forcément des non-volontaires. Comment fédère-t-on les classes très hétérogènes ? ».

 

Jalie Barcilon : « Une restitution finale est un projet collectif, mais pas imposé. Par exemple, dans une classe, 15 élèves voudront monter sur scène, mais 5 s’occuperont des affiches, 3 de la régie… ».

 

 

ET AILLEURS ?

Présentation du théâtre de l’Ancre à Charleroi (Belgique), par Jean-Michel Van den Eeyden.

 

 

PAROLES D’ADOLESCENTS :

 

La découverte du théâtre :

Avant la première venue au théâtre, les adolescents pensaient :

« C’est ennuyant ».

« On va au théâtre pour prendre la poussière ».

« Le théâtre, c’est pour une autre génération. Les vieux ».

« Le théâtre, c’est pour les Blancs. Et les bourgeois ».

Mais après leur venue au théâtre, ils ont remarqué « plus de diversité, pas que des Blancs, et il y avait beaucoup de jeunes dans la salle ». « C’était une surprise pour moi ».

 

Le théâtre reste une expérience minoritaire :

« On va au cinéma parce que tout le monde y va ».

« J’ai honte quand je vais au théâtre. C’est gênant par rapport à mes copines ».

« Personne ne voudrait m’accompagner au théâtre ».

« Au théâtre c’est difficile parce que si on ne suit pas dès le début, alors c’est foutu ».

 

Le théâtre, c’est plus qu’une venue à une représentation :

« Ça fait 9 ans que je fais du théâtre. Pratiquer m’a permis d’apprendre les codes ».

« Moi je n’ai vu que deux spectacles dans ma vie, forcée par les parents ou la prof. Mais je lis du théâtre : ça aide l’imaginaire, et c’est mieux de lire du théâtre que de voir une pièce, parce que les comédiens surjouent en général ».

 

La venue au théâtre le soir suscite des réactions mitigées :

« C’est bien car ça me sort de ma zone de confort ».

« Quand la prof m’a annoncé que c’était le soir, j’ai pensé : ah mais je vais pas pouvoir passer une soirée comme d’habitude, regarder la télé… ».

 

Ce que les adolescents présents attendent du théâtre :

« J’ai besoin d’être surpris, choqué. Il me faut du suspens ou de l’inattendu ».

« Il ne faut pas qu’un spectacle soit plat ».

« Je veux qu’on s’adresse à moi. Je ne me reconnais pas dans des personnages qui ont plus de 20 ans ».

« Quand un comédien joue plusieurs personnages, je n’accroche pas ».

« Il faut plus de communication autour des pièces. Je ne comprends pas pourquoi il faut aller dans le fin fond d’internet pour trouver une bande annonce… ».

« Il est très difficile de trouver de l’info sur les spectacles. Pour le ciné, on a des pubs sur Snapchat ou Instagram. Pour le théâtre, rien ! ».

 

Téléchargez l'appel à projet 2019-2020 sur cette page. 

 

Compte-rendu des échanges par Julie Geffrin